Le Pont d’Or de Subban
Par Joce, Rédacteur Principal, Le Magazine All Habs
La position de DG ou d’entraîneur-chef dans la LNH n’est pas facile et rarement est-ce que leurs décisions ne font l’unanimité parmi les médias et les partisans de leur équipe. C’est surtout vrai lorsque l’équipe possède des partisans aussi émotifs et impatients que ceux du Canadien de Montréal. Nous n’avons pas à chercher bien loin pour trouver un exemple, en voyant les débats sur le contrat de transition du nouveau récipiendaire du trophée Norris, P.K. Subban.
PENTICTON, C.-B. — Choisi au deuxième tour, 43e au total par le Canadien en 2007, Subban était un projet. Bien que son talent fût indéniable, les équipes se posaient des questions sur son exubérance et sur sa maturité. Trevor Timmins a saisi l’opportunité de le sélectionner lorsqu’il a vu qu’il était encore disponible lorsque le tour du Canadien est arrivé et plusieurs DG d’autres équipes doivent regretter ne pas avoir choisi le défenseur-étoile lorsqu’ils en ont eu la chance.
Après avoir connu une bonne première saison à Hamilton, voyant Subban accumuler 53 points en 77 matchs, le Canadien l’a rappelé à la fin de saison 2009-10 dans l’espoir de trouver un remplaçant pour Andrei Markov, blessé. Subban a bien répondu en amassant huit points en 14 matchs éliminatoires et en montrant des signes certains qu’il pouvait jouer dans cette ligue. Il a ensuite joué pour le Canadien les deux saisons suivantes, accumulant en moyenne 37 points par saison et en devenant rapidement l’un des joueurs les plus détestés de la ligue, attirant les huées des spectateurs pour ses actions sur la patinoire, pour ses célébrations, sa façon de déconcentrer l’adversaire et surtout, pour son efficacité.
Il y avait cependant un gros nuage noir au-dessus de lui car plusieurs de ses coéquipiers n’appréciaient pas son attitude dans le vestiaire et Subban s’est souvent retrouvé en conflit, presque bagarres, avec certains coéquipiers en pratique. Que le tout soit fondé ou non, ces événements ont ajouté à la mauvaise réputation du défenseur du Canadien comme étant un gars qui se pensait plus gros que l’équipe, incluant quelques prises de becs avec l’aimable Tomas Plekanec, ajoutant du matériel pour ceux qui n’aimaient déjà pas Subban.
Lorsque Marc Bergevin et Michel Therrien furent engagés par Geoff Molson, ils savaient qu’ils avaient un projet entre les mains. Dans une entrevue sur RDS, Therrien a qualifié Subban d’étalon, de pur-sang qui devra être apprivoisé et contrôlé et que ce sera son défi. Aussitôt que le lock-out fût terminé, la première priorité de Bergevin était de mettre Subban sous contrat mais une différence de philosophie a empêché le défenseur de participer au camp d’entraînement et de commencer la saison avec le reste de l’équipe. Tel que rapporté à plusieurs reprises par les deux parties, l’argent n’était pas le problème, mais plutôt la durée du contrat. Le Canadien voulait un contrat de transition alors que le clan Subban demandait un contrat à long terme.
L’agent de Subban, Don Meehan, est un négociateur bien respecté et il a supporté son point de vue en comparant les contrats consentis à Drew Doughty des Kings de Los Angeles et Tyler Myers avec les Sabres de Buffalo, entre autres. Après tout, la progression de Subban était constante et sa production offensive se comparait aux meilleurs défenseurs de la ligue. Il gageait que son client continuerait de s’améliorer.
Plusieurs chiffres ont été avancés par les lanceurs de rumeurs et quelques membres des médias plus ou moins respectés mais le clan Subban et le Canadien n’ont jamais voulu négocier à travers les médias. Il y en a qui utilisent, dans leur argument, que Subban voulait un contrat de cinq ans d’une valeur de 25 millions (ou quelque chose du genre) mais lorsqu’on leur a demandé, les deux côtés ont tout nié et ont refusé de révéler les chiffres publiquement. Cela devrait normalement apaiser les esprits raisonnables mais parfois, la tentation de sauver la face ou de gagner un argument coûte que coûte peut affecter le bon jugement en confondant les rumeurs avec les faits. De toute façon, nous pouvons tous dire que le montant aurait été plus bas que ce qu’il sera après qu’il ait remporté le Norris.
Marc Bergevin et le Canadien avaient besoin d’en voir plus de Subban. Pas pour ce qu’il peut faire sur la patinoire autant que pour son attitude et son habilité de se rendre au plus haut niveau. Ils voulaient que Subban prenne de la maturité comme jeune homme, ils voulaient s’assurer qu’il pouvait embrasser le concept d’équipe qu’ils tentaient d’implanter. Aussi, Bergevin voulait tracer une façon de faire les choses avec l’équipe, en suivant ce que l’organisation a fait avec d’autres bons jeunes, des gars comme Carey Price et Max Pacioretty par exemple, qui ont eux aussi signé des contrats de transition avant de recevoir le gros argent et le terme. Bergevin ne voulait pas faire d’exceptions car s’il l’eut fait, le prochain joueur aurait aussi voulu cette exception. Alex Galchenyuk va s’attendre à devoir signer un contrat de transition après son contrat actuel et si Bergevin avait craqué aux pressions de Subban, le jeune joueur de centre aurait aussi poussé pour un gros contrat à long terme.
Du point de vue de Bergevin, il savait qu’il aurait à faire face à un plafond salarial qui baisserait d’environ 10 millions la saison prochaine et il était important pour lui de garder de la flexibilité. Il sait aussi que par le temps que le contrat de Subban sera dû, les contrats de Brian Gionta et d’Andrei Markov pourraient libérer environ 11 millions. Aujourd’hui, en regardant les revenus de la ligue, il voit aussi que le plafond pourrait monter d’un autre 10 millions dans deux ans. Tout cela combiné, signer Subban ne sera pas un problème pour une équipe qui dépense tous ses sous comme le Canadien.
Je pourrais me tromper mais à mon humble avis, bien que Subban n’ait pas nécessairement besoin de motivation, le contrat de transition a servi de motivation additionnelle, l’aidant à performer à ce niveau au point de connaître une saison digne du Norris. Personnellement, quand je vois des jeunes signer leur gros contrat trop tôt et en voyant leur production baisser par la suite, je crois fermement que Subban a tenté de prouver, la saison dernière, qu’il mérite un gros contrat et il en fera autant la saison prochaine. Sans compter qu’il était une aubaine à 2,875M$ et qu’il le sera encore l’année prochaine!
Il s’agit d’un phénomène normal pour plusieurs (pas tous) d’avoir un sentiment d’accomplissement et de complaisance lorsque l’être humain atteint son but. Je crois sincèrement que c’est un trop gros risque que de payer ces jeunes trop d’argent, trop tôt. Les équipes sont mieux de garder la carotte devant eux aussi longtemps qu’ils le peuvent. Demandez à Buffalo ce qu’ils pensent des performances de Tyler Myers depuis qu’il a signé son gros contrat. Est-ce qu’il y en a qui pensent que les Hurricanes ne sont pas inquiets des performances de Jeff Skinner après qu’il eut signé son contrat à long terme de 5,75M$?
Dans ce cas, il y avait des choses que le Canadien voulait que Subban travaille. Les bagarres avec ses coéquipiers étaient ridicules. Donnons crédit à Subban, il a travaillé fort là-dessus et il s’est amélioré sur la patinoire en passant la rondelle plus souvent, ce qui a contribué à ses succès. Une petite dose d’humilité n’a pas fait de tort.
Subban l’aura son gros contrat et lorsqu’il l’aura, ce sera très mérité. Go Habs Go!